lundi 26 avril 2010

Interview de Marc Fiorentino dans le JDD du 22 Janvier 2010 | Mise à jour le 23 Avril 2010: "Obama affaiblit la finance"

Barack Obama a annoncé de nouvelles règles encadrant les activités à risque des grandes banques américaines et limitant leurs activités. Une chance d'assainir le système financier? Le point de vue, pessimiste, de Marc Fiorentino, banquier fondateur d'Euroland Finances.
C'est la deuxième fois en une semaine qu'Obama s'attaque aux banques. Pourquoi cette offensive?
Cette intervention s'inscrit dans le cadre d'une lutte de clan au sein de l'administration Obama. Jusqu'ici, c'est Timothy Geithner, le secrétaire au Trésor, très pro-Wall Street, qui avait la main.
Un second clan est mené par Paul Volcker, ancien patron de la Fed, un homme austère qui milite pour une lutte ouverte contre Wall Street. Ce deuxième clan vient de prendre le dessus pour deux raisons. D'abord les banques ont dépassé les limites de l'acceptable: en cette fin d'année, elles ont versé des bonus équivalents, au dollar près, aux aides apportées aux banques par l'Etat américain, c'est-à-dire par les contribuables. En provisionnant ces bonus pendant un an, et en les versant l'an prochain, elles auraient pu passer à travers les balles. Mais elles ont fait déborder le vase. Ensuite, la défaite des démocrates lors de l'élection sénatoriale dans le Massachussetts a précipité ce basculement vers le clan Volcker. Un an après son élection, Obama est accusé de n'avoir rien fait. Il s'est senti en danger. La population et l'administration réclamaient des mesures. Il est donc passé à l'action.
Le New York Times parle de mesures révolutionnaires. Qu'en pensez-vous?
En soi, ce plan est cohérent. Au moins Barack Obama met en application ses idées. Jusqu'ici, il parlait sans agir. Désormais il agit. Mais nous vivons dans un monde global. Wall Street n'est qu'une partie du système financier international. Un pays ne peut pas tout changer seul. Quand la France a voulu prendre des mesures contre les traders, ils sont tous partis à Londres...
Vous ne croyez pas à un assainissement du système financier?
Non. Ces mesures risquent même d'avoir des effets pervers. Obama souhaite interdire "le trading pour compte propre", c'est-à-dire le trading réalisé avec les fonds de la banque et non avec ceux des clients. Cela risque de déplacer ces activités de trading vers deux endroits: d'abord vers des places financières moins transparentes, notamment en Asie. Ensuite, en dehors des banques, dans des fonds d'investissement qui seront encore plus compliqués à contrôler. D'ailleurs, la grosse prise de risque a surtout résidé dans la vente de subprimes, qui ne rentre pas exactement dans la catégorie du "compte propre".
Ces mesures ont-elles une chance de passer au Congrès?
L'interdiction du "trading pour compte propre" peut passer. L'interdiction de posséder ou d'avoir des participations dans des fonds d'investissement aussi, et c'est normal. En revanche, la limitation de la taille des banques est un pur effet d'annonce. Aujourd'hui, la Chine possède quatre des dix plus grandes banques mondiales. Les Etats-Unis sont en confrontation avec la Chine. Ce n'est pas le moment d'affaiblir les banques américaines… Cette mesure sera donc retoquée. L'industrie automobile a déjà été détruite. Les Américains n'accepteront pas qu'on affaiblisse à ce point leur industrie financière.
Les banques européennes peuvent-elles en tirer profit? Ou suivre l'exemple?
Oui, elles peuvent en tirer profit, comme les banques asiatiques et les Hedge funds. Singapour et Hongkong ne rêvent que de récupérer ce business là. C'est une énorme nouvelle pour l'industrie des fonds d'investissement. Du côté européen, Londres n'a qu'une industrie, c'est l'industrie financière. On ne peut pas lui demander de se saborder en suivant l'exemple. 


Alice Pouyat - leJDD.fr
Vendredi 22 Janvier 2010

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